Camion-benne déversant une montagne de charbon face à une petite barquette de cailloux symbolisant le lithium

Voitures électriques vs thermiques : les VE consomment-ils vraiment plus de ressources minières ?

On accuse souvent le véhicule électrique d’être un gouffre minier.
Mais les chiffres racontent une tout autre histoire. Derrière le mythe d’une « transition impossible », la réalité est simple : les fossiles, c’est l’extractivisme perpétuel.
L’électrique, lui, repose sur un stock limité, recyclable, et infiniment plus léger.

Le poids écrasant des fossiles

Chaque année, l’humanité extrait environ 16 à 17 milliards de tonnes de combustibles fossiles : charbon, pétrole, gaz.
Ces volumes sont brûlés puis perdus, rejetés dans l’atmosphère.
Résultat : des émissions massives de CO₂, des polluants atmosphériques responsables de cinq millions de morts prématurées par an selon l’OMS, et des millions de puits de pétrole abandonnés.

En comparaison, les métaux destinés aux infrastructures et aux batteries se comptent en millions de tonnes, parfois en centaines de milliers de tonnes.

🔎 Ordre de grandeur

Pour visualiser l’écart entre un million et un milliard :

  • 1 million de secondes ≈ 11 jours et demi
  • 1 milliard de secondes ≈ un peu moins de 32 ans

C’est l’échelle exacte entre les besoins en métaux stratégiques et les flux fossiles.

Graphique montrant que les combustibles fossiles représentent plus de 84 % de tout ce qui est extrait chaque année, loin devant le minerai de fer, les métaux industriels et les métaux stratégiques.
Plus de 84 % des volumes minés dans le monde sont des combustibles fossiles. Les métaux industriels comptent pour 1 %, et les métaux stratégiques, essentiels aux batteries et aux technologies, représentent à peine 0,01 %. Un ordre de grandeur qui remet en perspective les débats sur les “mines des voitures électriques”.
Ordres de grandeur mondiaux (2023)
Ressource Extraction annuelle mondiale % du total miné (≈ 20 Gt)
Combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) ~16–17 Gt ~84 %
Minerai de fer ~2,7 Gt ~14 %
Métaux industriels (Cu, Al, Ni, Zn, etc.) ~180 Mt ~1 %
Lithium ~130 000 t <0,001 %
Cobalt ~200 000 t <0,0015 %
Nickel (catégorie « batterie ») ~3 Mt ~0,015 %
Terres rares ~300 000 t <0,002 %
Cuivre ~22 Mt ~0,1 %

Note : Gt = gigatonne = milliard de tonnes. | Mt = mégatonne = million de tonnes. | t = tonne.

En additionnant lithium, cobalt, terres rares, graphite et nickel pour batteries, on arrive à ≈ 4–5 millions de tonnes par an.
Face aux 16 000–17 000 millions de tonnes de fossiles extraits et brûlés, le ratio réel est de l’ordre de 3 000 : 1
Pour certaines ressources très spécifiques comme le lithium, l’écart devient encore plus vertigineux : plus de 100 000 : 1

En clair : 
– Flux fossiles = des milliards de tonnes (16 à 17 milliards de tonnes), brûlés chaque année et perdus à jamais. 
– Métaux stratégiques = quelques millions de tonnes, stockées dans les infrastructures, recyclables.

Que contient une voiture électrique ?

Une batterie n’est pas un trou noir minéral. Selon la chimie retenue (NMC riche en nickel et cobalt, ou LFP sans nickel ni cobalt), l’intensité matière varie. Mais on parle toujours de dizaines de kilos, jamais de tonnes.

Véhicule électrique type (par voiture)
Ressource Berline 75 kWh NMC622 Compacte 60 kWh LFP Recyclabilité
Lithium ~10 kg ~6 kg 97–100 %
Nickel ~46 kg 0 >95 %
Cobalt ~14 kg 0 >95 %
Graphite 70 kg 55–60 kg 80–90 %
Cuivre (moteur + câbles) 25–40 kg 25–40 kg >90 %
Aluminium (structure pack) 30–40 kg 30–40 kg >90 %
Lecture détaillée et mise en perspective
Ce que mesure ce tableau

Il s’agit d’un stock de matériaux embarqués par véhicule, pas d’une consommation annuelle.
Ces masses ne sont ni brûlées ni dissipées, elles restent dans la voiture pendant tout le cycle de vie puis alimentent le recyclage.

Chimie de batterie et effet de substitution

Passer de NMC622 à LFP supprime le nickel et le cobalt par conception.
Le besoin en lithium et en graphite reste, mais la pression se déplace de métaux chers et géopolitiquement sensibles vers des matériaux plus abondants et mieux substituables.
À noter : le graphite peut être naturel ou synthétique, et des anodes dopées au silicium réduisent progressivement l’intensité en graphite.

Effet taille de batterie

Les quantités de métaux varient presque proportionnellement à la taille de la batterie.

  • Une berline équipée d’une batterie 100 kWh de type NMC811 (nickel-manganèse-cobalt en proportion 80-10-10) contiendra davantage de nickel et moins de cobalt qu’une batterie 75 kWh NMC622 (60-20-20).
  • À l’inverse, une citadine dotée d’une batterie plus modeste, 40–50 kWh en LFP (lithium-fer-phosphate), nécessitera beaucoup moins de métaux dans l’ensemble.

Cela signifie que l’efficacité énergétique du véhicule (consommation au km) et son aérodynamique ne sont pas seulement des questions d’autonomie ou de performance : ce sont aussi des leviers directs de sobriété en matières premières.

Amortir par le kilomètre

Un véhicule électrique mobilise un stock ponctuel de métaux, qui reste disponible pour les cycles suivants grâce au recyclage.

  • Berline 75 kWh NMC : env. 46 kg de nickel, 14 kg de cobalt et 10 kg de lithium. En fin de vie, plus de 90 % sont récupérés : il faut seulement quelques kilos de matière vierge pour reconstruire une batterie équivalente.
  • Compacte 60 kWh LFP : env. 6 kg de lithium et 55–60 kg de graphite. Là aussi, l’essentiel est recyclé, le complément se compte en kilos.

À l’inverse, une voiture thermique ne se contente pas d’embarquer ses métaux de départ : elle dépend en permanence d’un approvisionnement continu en pétrole, brûlé au fur et à mesure.

La différence est nette : quelques dizaines de kilos stockés et recyclables contre des flux massifs et irréversibles de fossiles.

Moteur et aimants

Le tableau porte sur la batterie.
Côté moteur, comptez typiquement cuivre 20–30 kg par véhicule.
Si le moteur est à aimants permanents, on ajoute souvent 1–2 kg d’alliage NdFeB (terres rares) ; si le constructeur opte pour un moteur asynchrone ou synchrone à rotor bobiné, c’est 0 kg de terres rares mais un peu plus de cuivre.
Ce choix d’architecture est un levier stratégique pour désensibiliser la chaîne d’approvisionnement.

Recyclage : théorique vs effectif

Les rendements annoncés sont atteignables en pratique : nickel, cobalt, cuivre et aluminium se recyclent déjà très bien, le lithium progresse vite, le graphite suit.
Mais pour que ces taux deviennent des flux réels, il faut deux conditions : des volumes suffisants et des batteries pensées dès l’origine pour être démontées et recyclées.

Risques et atténuations

Les points de vigilance court terme sont le graphite (chaîne très concentrée) et, selon la chimie, le nickel de qualité batterie. Les atténuations structurelles existent : montée du LFP/LMFP, diversification géographique, substitution partielle des anodes, moteurs sans aimants, et surtout réemploi + seconde vie + recyclage qui referment la boucle.

Lecture stratégique

Un véhicule électrique mobilise un stock initial de quelques centaines de kilos de matériaux, largement recyclables, qui restent disponibles pour les cycles suivants.
Une voiture thermique, au contraire, dépend d’un approvisionnement continu en énergie fossile : chaque kilomètre roulé implique d’extraire, raffiner puis brûler du pétrole.
L’arbitrage n’est donc pas entre ‘pas de mines’ et ‘beaucoup de mines’, mais entre un système fondé sur un flux brûlé et perdu, et un système fondé sur un stock réutilisable.

Et une voiture thermique ?

Comparons avec un véhicule essence moyen.
Lui aussi contient beaucoup de métaux (acier, aluminium, cuivre, catalyseur en platine/palladium).
Mais surtout, il consomme du pétrole tout au long de sa vie.

Véhicule thermique (ICE)
Ressource Voiture compacte essence (200 000 km) Recyclabilité
Acier (châssis, moteur) 900–1 000 kg >90 %
Aluminium 150–200 kg >90 %
Cuivre (câbles, alternateur) 15–25 kg >90 %
Métaux précieux (catalyseur) quelques g recyclables mais chers
Carburant consommé (≈ 7 L/100 km) ~14 000 L essence = 12 t de pétrole brut 0 % (brûlé)

Le thermique embarque lui aussi près d’une tonne d’acier, quelques centaines de kilos d’aluminium et une poignée de cuivre et de métaux précieux.
Mais la vraie différence est ailleurs : chaque kilomètre exige de brûler du pétrole, un flux continu, irréversible, qui finit en pollution.

Hypothèse : cycle de vie moyen de 200 000 km (≈ 12–15 ans) avec une consommation de 7 L/100 km.
La conversion essence → pétrole brut tient compte du rendement moyen de raffinage (≈ 85 %).

Là où l’électrique immobilise quelques dizaines de kilos de métaux recyclables, le thermique dépend d’un approvisionnement perpétuel en ressources fossiles.

⚖️ Le vrai rapport de force

  • Fossiles = extractivisme perpétuel : 16 Gt/an, brûlées et perdues
  • Électrique = extractivisme stockable : quelques centaines de kilos par voiture, recyclables

En un seul mois de fossiles, nous consommons davantage de matière que pour électrifier tout le parc automobile mondial en lithium sur un siècle.

Conclusion

Le débat sur « l’empreinte minière » de l’électrique repose sur une confusion : comparer un flux perpétuel avec un stock limité.
Oui, les véhicules électriques nécessitent des métaux.
Mais ces métaux ne sont ni brûlés, ni perdus. Ils circulent, ils se recyclent, ils se substituent.

La vraie bataille stratégique n’est donc pas de savoir si l’on doit miner pour l’électrique, mais comment organiser cette filière pour réduire la dépendance, diversifier les sources et industrialiser le recyclage.

L’équation est claire : 12 tonnes de pétrole pour une thermique vs 200 kilos de métaux recyclables pour une électrique.

Bibliographie web complète
Énergie – volumes fossiles & facteurs de conversion
Minéraux & métaux – USGS (productions 2023/2024)
Batteries & électromobilité (matériaux, parts LFP/NMC, intensités)
Pollution de l’air & santé (ordre de grandeur des décès)
Pages « stats » USGS (accès pérennes)
💡 Ce billet s’inscrit dans la série “Sillages de l’électromobilité”
Ces cinq fils rouges (Sillages) traversent mes publications :
Cartographie des segments, Distribution & Économie, Marketing du VE, Marques & Modèles, Technologies du VE.

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