Neue Klasse BMW : une rupture stratégique dans l’ère électrique

En 1961, BMW jouait sa survie avec la Neue Klasse.
Ce fut une révolution : les berlines compactes dessinées par Wilhelm Hofmeister ont sauvé le constructeur, l’installant sur la voie du premium moderne.
Soixante ans plus tard, le parallèle est glaçant.
En 2025, une autre Neue Klasse arrive, et BMW ne cache pas l’enjeu : « « « nous n’avons pas le droit à l’erreur », dit Oliver Zipse, CEO du groupe

L’architecture du futur

La Neue Klasse repose sur une plateforme 800 V et sur des batteries cylindriques de sixième génération, capables de délivrer jusqu’à 30 % d’autonomie supplémentaire et de réduire le temps de charge de 30 %.
Avec elles, BMW promet 800 km d’autonomie et 350 km récupérés en dix minutes.

Mais l’essentiel est ailleurs.
Le Heart of Joy, cerveau électronique central, fusionne la gestion du moteur, du freinage, de la régénération et de la direction.
BMW abandonne la logique mécanique distribuée pour une architecture pilotée par logiciel. Le premium se déplace du métal vers le code.
(J’ai déjà abordé ce sujet ici et là)

Dans l’habitacle, le Panoramic iDrive projette l’interface sur toute la largeur du pare-brise, complété par un affichage immersif et un système d’eye-tracking qui adapte l’assistance selon l’attention du conducteur.
L’ergonomie se veut plus fluide, moins dépendante des écrans tactiles, plus intégrée au champ de vision.

Les modèles du lancement

Le premier modèle de série sera le iX3, présenté le 5 septembre 2025 au Salon de Munich. Un SUV stratégique : gabarit mondial, cœur de marché, vitrine d’innovations.

Il sera suivi en 2026 par une berline i3, héritière spirituelle de la Série 3, puis par un iM3 attendu en 2027, décliné en version haute performance à quatre moteurs.

Le calendrier est serré : jusqu’en 2027, BMW annonce quarante lancements ou mises à jour basés sur la Neue Klasse.
L’usine historique de Munich deviendra EV-only dès 2027, après Debrecen (Hongrie) et Shenyang (Chine).
Munich, cœur symbolique de la marque, sera donc reconfigurée pour l’électrique intégral.

Stratégie produit : un affrontement mondial

La Neue Klasse est le pivot d’un combat à trois.

• Face à Tesla : BMW entend rattraper son retard logiciel. Le Heart of Joy centralise les fonctions comme l’ordinateur Dojo centralise l’IA de Tesla. Mais Tesla a dix ans d’avance dans l’over-the-air et la culture produit.
• Face à BYD : la question est industrielle. BYD maîtrise la batterie, l’approvisionnement et les coûts. BMW doit préserver une souveraineté technologique européenne, avec des usines locales et une montée en compétence interne.
• Face à Mercedes : la lutte est symbolique. Mercedes a choisi l’hyper-luxe électrique avec l’EQS, BMW répond avec une démocratisation technologique par le iX3. Deux routes vers le premium, deux visions du futur.

(J’ai déjà comparé les stratégies de BMW et Mercedes)

Les risques sont clairs : coûts industriels massifs, adoption marché incertaine, dépendance technologique. Mais l’alternative serait le déclin.

Une dimension politique et symbolique

La Neue Klasse n’est pas qu’un projet produit. C’est une déclaration de souveraineté.

Munich, usine historique, deviendra l’étendard du passage au 100 % électrique.
La Neue Klasse est donc un récit industriel allemand, face à l’offensive asiatique et américaine.
BMW ne joue pas seulement son avenir, il incarne un choix de société : celui d’une Europe capable de tenir son rang technologique dans la transition énergétique.

La charge est lourde.
Si la Neue Klasse échoue, BMW risque le déclassement.
Si elle réussit, Munich prouvera que l’Europe peut encore compter dans le premium électrique.

Conclusion : un pari existentiel

La première Neue Klasse a sauvé BMW en 1961.
Celle de 2025 pourrait bien décider de son avenir.
Entre 800 V, Heart of Joy, batteries de sixième génération et usine de Munich réinventée, la rupture est totale.
Mais l’enjeu dépasse la technique : il s’agit de savoir si BMW reste un leader mondial ou bascule dans la deuxième division de l’automobile électrique.

Le premium mécanique du XXᵉ siècle a fait la gloire de Munich.
Le premium logiciel du XXIᵉ dira si elle survit.

Dans les années 60, la Neue Klasse sauva BMW.
En 2025, elle pourrait bien la condamner… ou la ressusciter.
Personnellement, je ne doute pas que dans les prochaines années, BMW tienne son rang et nous étonne. On arrêtera enfin de comparer toutes les voitures électriques à des Tesla : on les comparera à des BMW. Ou à des Hyundai. Ou à des Polestar. À des vraies voitures en fait.

Léon

Léon Chelli arpente les mondes de l’automobile et des énergies renouvelables à travers la transition écologique. Il y déchiffre mutations industrielles et stratégies de marché avec la lucidité un peu sauvage d’un promeneur qui choisit ses propres sentiers.
Il explore les transitions avec une vision systémique, entre ironie assumée et clarté analytique.