Moteurs électriques sans aimants : Renault, BMW, Tesla, quelles stratégies ?
Mon post LinkedIn sur le moteur Renault-Valeo sans aimants a dépassé les 120 000 vues et suscité des commentaires pertinents. Plutôt que d’y répondre au fil du fil, j’ai choisi d’en tirer un article complet, pour replacer cette innovation dans une perspective plus large : technique, industrielle, et surtout stratégique.
Moteurs électriques sans aimants : Renault & Valeo et l’option WRSM comme acte de souveraineté
Renault et Valeo annoncent pour 2027 un moteur électrique sans aimants permanents ni terres rares, fabriqué en France à Cléon (oui, cette usine-là !).
Cette annonce s’intègre dans une stratégie plus large : Valeo a créé en 2024 la division Valeo Power, fusionnant leurs activités de chaînes cinématiques et de gestion thermique pour renforcer leur offre d’électrification — un signal fort de montée en puissance industrielle européenne
La technologie retenue est le WRSM (Wound Rotor Synchronous Motor), c’est-à-dire un moteur synchrone à rotor bobiné.
Ses caractéristiques clés :
- Zéro néodyme : indépendance totale vis-à-vis des terres rares chinoises.
- Excitation contrôlée électriquement : flexibilité du champ magnétique.
- Efficience et compacité, avec un refroidissement intégré.
- 200 kW annoncés, dans une e-axle complète (moteur, onduleur, réducteur).
Ce choix n’est pas qu’une question d’ingénierie. Il s’agit d’un geste politique et industriel : démontrer qu’une filière européenne peut inventer autre chose qu’une copie du modèle dominant (Tesla, BYD).
Il trace une voie différente, plus européenne, en cohérence avec les enjeux de long terme.
BMW et les moteurs électriques sans aimants : l’excitation externe comme réponse allemande
BMW suit une logique voisine, avec son EESM (Externally Excited Synchronous Motor) : Explication technique détaillée.
Comme le WRSM, il abandonne totalement les aimants permanents et donc le néodyme. Mais son fonctionnement diffère :
- le rotor est alimenté par des balais et bagues collectrices qui transmettent le courant d’excitation,
- le champ magnétique est donc créé “de l’extérieur”, d’où son nom.
Ses avantages :
- haut rendement sur une large plage de vitesses,
- stabilité thermique (pas de démagnétisation possible),
- coût et approvisionnement sécurisés (pas de terres rares),
- et surtout recyclabilité totale : pas d’aimants à traiter, des matériaux simples à réinjecter dans la chaîne.
BMW inscrit ce choix dans sa stratégie de “circular economy” : des véhicules pensés dès la conception pour réduire leur empreinte matière et être réutilisés à grande échelle.
Tesla et BYD : d’autres logiques face aux moteurs électriques sans aimants
- Tesla : pionnier du moteur asynchrone (sans aimants) avec la Model S, avant de revenir partiellement aux aimants permanents sur Model 3/Y pour gagner en rendement.
La stratégie est celle du compromis pragmatique : choisir la techno qui maximise l’efficacité du moment, sans tabou. - BYD : choix assumé des aimants permanents, mais avec un modèle intégré de bout en bout. BYD contrôle les mines, le raffinage, la production des moteurs.
La dépendance aux terres rares existe, mais elle est internalisée.
Au-delà de la technique : des visions de souveraineté
- Europe (Renault, BMW) : refuser le néodyme, même au prix de moteurs plus complexes à concevoir. Le choix n’est pas seulement technique, mais politique et stratégique : construire une autonomie industrielle face à la Chine.
- Tesla : une vision flexible et mondiale, où la souveraineté se joue moins sur la matière que sur la vitesse d’innovation.
- BYD : une stratégie impériale : verrouiller toute la chaîne de valeur et imposer son modèle par l’intégration.
En clair : le moteur électrique devient un symbole géopolitique autant qu’un composant technique.
Cléon : de la fonte au rotor bobiné
Symbole fort : l’usine Renault de Cléon, qui produisait les moteurs en fonte dès les années 60, sera le site de production de ce nouveau moteur.
Après avoir accompagné la Zoé, elle se réinvente comme pilier de la réindustrialisation électrique française.
C’est une manière de fermer un cycle thermique et d’ouvrir un cycle de souveraineté industrielle.
Conclusion : plusieurs chemins, un même enjeu
Le moteur électrique n’est plus un simple choix d’ingénierie : c’est un marqueur stratégique.
- Renault et Valeo assument une voie exigeante, européenne, souveraine.
- BMW trace sa propre route, pragmatique et robuste.
- Tesla et BYD incarnent deux visions opposées : flexibilité mondiale contre intégration totale.
Dans les prochaines années, il faudra observer qui saura industrialiser à grande échelle.
Mais une chose est sûre : le moteur électrique est devenu un champ de bataille industriel et politique mondial.
La géopolitique du néodyme
Le néodyme est au cœur des tensions autour du moteur électrique.
Utilisé dans les aimants permanents, il concentre trois problèmes :
Dépendance : plus de 90 % du néodyme mondial est extrait et raffiné en Chine.
Pollution : l’extraction et le raffinage génèrent d’énormes quantités de déchets toxiques.
Fragilité : les aimants permanents peuvent se démagnétiser sous forte contrainte thermique.
C’est ce qui explique les choix stratégiques de Renault/Valeo (WRSM) et BMW (EESM).
Tous deux misent sur des moteurs sans aimants permanents, plus complexes à mettre au point mais :
Souverains (indépendance vis-à-vis de la Chine),
Durables (pas de démagnétisation, meilleure longévité),
Recyclables (cuivre, acier, aluminium, plus faciles à réinjecter dans une économie circulaire).
Renault inscrit ce choix dans une logique de souveraineté industrielle européenne.
BMW l’associe à sa stratégie de circular economy, en faisant de la recyclabilité un argument central.
En filigrane, c’est toute la géopolitique des terres rares qui s’invite dans le moteur électrique.
Choisir son architecture, ce n’est plus seulement une affaire de rendement, mais de vision stratégique et industrielle.
Pour aller plus loin
- Moteurs électriques et choix stratégiques : comparatif décisif
- Batteries solides : promesse technologique ou mirage industriel ?
- La mutation de la voiture électrique : entre rupture et continuité
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Léon Chelli arpente les mondes de l’automobile et des énergies renouvelables à travers la transition écologique. Il y déchiffre mutations industrielles et stratégies de marché avec la lucidité un peu sauvage d’un promeneur qui choisit ses propres sentiers.
Il explore les transitions avec une vision systémique, entre ironie assumée et clarté analytique.