Carte de l’Europe pointillée avec flèche rouge indiquant l’expansion de Chery et ses marques Omoda, Jaecoo et Exeed.

Chery, Omoda, Jaecoo : comprendre le jeu du nouvel entrant chinois

Une offensive sans nom

L’arrivée de Chery en France ne se fera pas sous son nom.
Et ce n’est pas un hasard.
Comme beaucoup d’industriels chinois du secteur automobile, Chery joue sur un effet de segmentation très marqué : des marques créées ex nihilo, ciblées, stylées, adaptées à un marché donné.
En France, ce seront donc Omoda et Jaecoo qui porteront l’offensive.

Deux marques, deux styles

Les premiers modèles annoncés sont l’Omoda 5 (SUV compact, thermique ou électrique selon les marchés) et le Jaecoo 5 (version plus baroudeuse, sur base commune).
Les gammes sont jeunes, les marques aussi.
Mais l’ambition est grande :

  • Un réseau de 60 à 90 points de vente prévu en France,
  • Une production européenne à Barcelone (ancienne usine Nissan),
  • Un partenariat avec Allianz pour l’assurance et l’après-vente,
  • Un positionnement plus mode que discount.

Voici une synthèse des deux positionnements :

Marque Positionnement Style / Cible
Omoda Urbain, jeune, techno Design anguleux, connectivité, métropoles
Jaecoo SUV chic, baroudeur statutaire Plus sobre, plus statutaire, style explorateur

Ces deux marques tentent de se démarquer de la méfiance instinctive vis-à-vis d’une “voiture chinoise”.
L’étiquette est évitée, le design européanisant, et la promesse adaptée au goût local.

L’Europe, vitrine et champ d’essai

L’Europe n’est pas une simple extension géographique pour Chery.
C’est une vitrine mondiale, un test de crédibilité industrielle, technologique et marketing.

Pourquoi l’Europe est-elle stratégique pour Chery ?

Enjeu Objectif pour Chery
Image internationale Crédibilité technique / accès aux standards les plus hauts
Accès au marché Maillage local, réseaux, clients exigeants
Contournement douanier Production locale (Espagne) pour éviter surtaxes
Diffusion médiatique Effet vitrine à fort retentissement (notamment France)

La France, dans ce jeu, joue un rôle particulier :

  • Marché test exigeant, avec une forte attente qualitative et une méfiance naturelle vis-à-vis des marques nouvelles ;
  • Poids politique et médiatique, capable d’accélérer ou de bloquer une dynamique ;
  • Territoire dense et concurrentiel, où le positionnement de niche peut faire la différence.

Une stratégie mûrie de longue date

À première vue, tout semble aller vite.
Mais c’est le fruit d’une stratégie mûrie depuis des années.
Chery est aujourd’hui l’un des plus gros exportateurs chinois du secteur, avec près d’un million de véhicules exportés en 2023.

Le choix d’implanter l’usine à Barcelone, avec un partenaire local (Ebro EV Motors), répond à plusieurs contraintes stratégiques :

  • Contourner les droits de douane européens,
  • Adapter les modèles aux normes locales (homologation, crash-tests, émissions),
  • Développer une image européenne,
  • Livrer plus vite avec une chaîne logistique réduite.

La production annoncée atteindra 100 000 véhicules par an dès 2027, avec une capacité d’extension à 200 000, et un effectif qui pourrait atteindre 1 200 à 3 000 salariés selon les phases.

Livrer au-delà de la promesse

Mais la réussite ne tiendra pas qu’à l’image. Il faudra livrer :

  • En qualité produit (finition, fiabilité, technologie),
  • En fiabilité logistique (pièces, délais, réseau),
  • En SAV efficace (garanties, réparations, accompagnement client),
  • En cohérence de positionnement (pas de low-cost masqué).

Pour un distributeur ou un partenaire potentiel, tout se joue là : l’envie de nouveauté ne suffit pas.
Il faut une structure solide, et une stratégie stable qui tienne au-delà du lancement.

Un dossier passionnant, un regard à porter

Vu de l’intérieur, c’est un dossier passionnant. Parce qu’il oblige à se poser les bonnes questions :

Qu’est-ce qui fait une marque crédible en 2025 ?
Est-ce le produit ?
L’usine ?
Le narratif ?
Ou l’écosystème qu’on est capable de créer autour ?

Chery semble avoir des réponses.
Encore faut-il qu’elles passent le cap du terrain français.

Un sujet à suivre de près, pour ceux qui observent les mutations industrielles, mais aussi pour ceux qui, peut-être, envisagent de les rejoindre.

Série éditoriale : [Décryptage des stratégies des constructeurs]
Chaque article part d’un document officiel (fiche produit, communiqué, rapport) pour en extraire les lignes de force industrielles, symboliques ou politiques. Une lecture rigoureuse, stratégique et sans naïveté.
💡 Ce billet s’inscrit dans la série “Sillages de l’électromobilité”
Ces cinq fils rouges (Sillages) traversent mes publications :
Cartographie des segments, Distribution & Économie, Marketing du VE, Marques & Modèles, Technologies du VE.

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