Alpine A390 : la sportivité Alpine réinventée en fastback électrique
Tri-moteur, vectorisation de couple active aux roues arrière, batterie 89 kWh et chaîne de valeur française (moteurs Cléon, cellules Verkor assemblées à Douai, production à Dieppe) : l’A390 n’est pas un énième ‘SUV coupé’, c’est la démonstration que l’ADN Alpine peut passer à l’échelle sans renier l’agilité.
Prix annoncés : 65–76 k€ selon versions GT/GTS, commercialisation à partir du T4 2025.

L’A390, une Alpine de rupture : ce que cela implique vraiment
Fait
Silhouette fastback 5 portes, gabarit contenu (≈ 4,62 m), 5 places.
Alpine assume un format « quotidien » sans basculer SUV.
Les mises au point châssis sur faible adhérence et l’homologation de gommes Michelin spécifiques (marquage ‘A39’) confirment l’objectif d’agilité utilisable plutôt que de record de ligne droite.

Pourquoi c’est important
À ~2,1 t, on ne gagne plus la guerre du poids.
Alpine transfère son ADN ailleurs : géométrie d’appuis (répartition proche 51/49), centre de gravité abaissé par le pack, calibration des lois de direction/ESC pour préserver la lecture du grip.
La promesse n’est pas « léger », mais lisible et répétable dans les conditions ordinaires (mouillé, froid, pneus route).
C’est cohérent avec une sportive de tous les jours, pas une pistarde du dimanche.
Point d’attention.
Le format fastback impose des compromis d’emballage (hauteur sous pavillon, angle de hayon) et un Cx + surface frontale à surveiller pour l’efficience autoroutière.
L’enjeu ne sera pas le WLTP, mais la conso stabilisée à 110-130 km/h (rapportée à la capacité utile du pack).
AmpR Medium, version Alpine : la synergie sans la dilution
Fait
Plate-forme AmpR Medium de l’écosystème Ampere, reconfigurée par Alpine : berceau arrière alu dédié (accueil des deux e-motors), lois d’amortissement et direction spécifiques, modes de conduite dont Track Mode avec seuils ESC revus.
Pourquoi c’est important
Industriellement, on mutualise le capex (architecture, fournisseurs, process) tout en préservant une différenciation dynamique réelle.
Business : cela autorise des volumes plus élevés que l’A110 sans exploser les coûts fixes.
Stratégie de portefeuille Ampere : même socle, personnalités fortes, ce qui est précisément ce que les plateformes modulaires promettent trop souvent sans le démontrer.
Contrepartie
Hériter d’une base 400 V limite théoriquement la pointe de charge vs 800 V concurrents.
Alpine compense par une puissance moyenne soutenue sur le plateau (le vrai sujet pour regagner vite entre deux étapes) ; on jugera sur la courbe réelle, pas la valeur crête.
Tri-moteur et ‘Alpine Active Torque Vectoring’ : l’agilité par le couple, pas par le frein
Faits techniques.
Un moteur à l’avant, deux moteurs indépendants à l’arrière (un par roue).
L’Alpine Active Torque Vectoring module en millisecondes les couples droite/gauche selon l’angle volant, la vitesse et le delta de glissement.
On corrige le lacet par le couple, pas par un freinage sélectif.
Versions : ~397 ch (GT) et ~466–470 ch / 808 Nm (GTS) ; 0–100 km/h 4,8 s (GT) et 3,9 s (GTS).
Pourquoi c’est supérieur au ‘torque vectoring’ par frein.
- Zéro calories perdues en dissipation, pas de fatigue thermique des freins.
- Temps de réponse dicté par l’électronique des onduleurs, pas par l’hydraulique.
- Possibilité d’induire/endiguer un yaw précisément en remise de gaz, donc sorties de courbe plus propres.
Conséquence dynamique.
Sur mouillé ou en appuis mixtes, l’auto peut garder du couple là où un système par freinage « casse » l’élan.
Dit autrement : l’A390 cherche des dixièmes au bon endroit, pas des dixièmes au 0–100 qui ne disent rien d’une route de montagne.
Point d’arbitrage.
Tri-moteur = coût, masse, complexité.
La valeur se justifie si la répétabilité thermique (drift contrôlé, sessions de piste, cols répétés) reste au rendez-vous.
C’est là que se joue la crédibilité ‘Alpine’.
Batterie, thermique et recharge : l’important n’est pas la crête, c’est le plateau
Faits.
Pack 89 kWh (400 V), annonce de 190 kW DC et ≈ 25 min de 15 à 80 %, AC 11 kW de série, 22 kW en option ; pré-conditionnement via la navigation Google.
Autonomie WLTP annoncée jusqu’à ≈ 555 km (config jantes 20’’).
Lecture
- À techno 400 V, la courbe de charge doit être large et stable pour lisser les étapes. On jugera la puissance moyenne entre 10–70 %, qui conditionne un Paris–Lyon sans prise de tête.
- Gestion thermique pack/inverters : clef de la répétabilité des perfs (montagne, piste). Un tri-moteur qui sait se refroidir fera la différence après 10 minutes d’attaque… pas au premier run.
Chaîne de valeur
Cellules Verkor (Dunkerque) pour NMC bas-carbone, packs assemblés à Douai (Ampere ElectriCity), intégration véhicule à Dieppe : raccourci logistique et souveraineté techno, avec montée en capacité Verkor financée/industrialisation en cours pour alimenter Alpine et le haut de gamme Renault.
Châssis, pneus, freins : le ‘hardware’ qui permet au logiciel de s’exprimer
Faits
Berceau arrière alu spécifique (rigidité et packaging des deux e-motors), pneus Michelin dédiés (PS EV en 20’’, PS4S en 21’’, marquage A390), modes dont Track avec calibration ESC et direction maison. Répartition des masses annoncée proche 51/49.
Pourquoi ça compte
Sans structure arrière dédiée, l’ATV ne serait qu’une promesse logicielle.
Ici, l’ancrage mécanique autorise des transferts d’appuis nets et des angles de travail de suspension compatibles avec un couple asservi roue-par-roue.
Les pneus ‘A39’ garantissent une constance de friction alignée sur la calibration électronique.
Point d’attention
Le dimensionnement des freins (refroidissement, matériaux) devra suivre l’usage « daily + track-day ». L’avantage ATV (moins de recours au freinage vectoriel) doit se traduire par une usure/temperatures mieux maîtrisées.
Industrie : Alpine comme vitrine Ampere
Cléon pour les groupes motopropulseurs.
Douai pour les packs.
Dieppe pour l’assemblage final.
L’intégration Ampere n’est pas un slogan, c’est une architecture industrielle qui mutualise plateforme, achats et process tout en laissant aux marques leur différenciation d’ingénierie.
Mais la montée en gamme ne passe pas que par le hard industriel. Alpine a aussi intégré un partenariat avec Devialet pour la sonorisation embarquée.
Là encore, c’est une logique de synergie : associer le savoir-faire d’un champion technologique français au véhicule vitrine d’Ampere.

Pourquoi c’est important :
- On sort du registre « Alpine = châssis » pour proposer une expérience premium globale, à la hauteur des standards posés par Mercedes (Burmester) ou BMW (Bowers & Wilkins).
- Renault/Ampere envoie un signal : ses marques peuvent viser l’excellence perçue, pas seulement la compétitivité industrielle.
- C’est une manière subtile de montrer qu’une filière française est capable de rivaliser dans le haut de gamme, en croisant automobile et électronique de pointe.
Pour la logique complète, voir mon analyse d’Ampere :

Positionnement : déplacer le match là où Alpine a l’avantage
Modèle | Architecture motrice | Puissance / Couple | 0–100 km/h | Recharge DC (plateforme) | Spécificité différenciante |
---|---|---|---|---|---|
Alpine A390 GTS | Tri-moteur, 1 AV + 2 AR, ATV roue-par-roue | ≈ 470 ch / 808 Nm | 3,9 s | 190 kW DC (400 V) | Vectorisation active par couple à chaque roue AR |
Tesla Model 3 Performance | Bi-moteur AWD | ≈ 627 ch / 741 Nm* | 3,4 s** | 250 kW DC (400 V) | Accélération forte, réseau Supercharger |
BMW i4 M50 | Bi-moteur xDrive | 544 ch / 795 Nm | 3,9 s | 205 kW DC (400 V) | Mise au point châssis et qualité perçue |
Polestar 2 Dual Motor Perf | Bi-moteur AWD | 476 ch / 740 Nm | 4,2 s | 205 kW DC (400 V) | Efficience correcte, rigueur de conduite |
Hyundai Ioniq 5 N | Bi-moteur AWD | jusqu’à 641 ch*** | ≈ 3,4 s | jusqu’à 350 kW DC (800 V) | Plateforme 800 V, endurante, modes ‘N’ piste |
Hyundai Ioniq 6 N | Bi-moteur AWD | jusqu’à 641 ch*** | ≈ 3,2 s | jusqu’à 350 kW DC (800 V) | Sedan aérodynamique, palette techno ‘N’ |
MG Cyberster (GT) | Bi-moteur AWD | ≈ 510 ch | ≈ 3,2–3,7 s | ≈ 144 kW DC (400 V) | Cabriolet 2 places, image spectacle |
* Puissance / couple EV-Database (correction d’affichage vs com. Tesla).
** 3,1 s constructeur avec ‘rollout’ retiré = ≈ 3,4 s comparables.
*** Puissance crête atteinte en mode ‘N Grin Boost’ (≈10 s).
Sources de référence pour le tableau comparatif
En chiffres bruts, l’A390 ne domine pas la colonne ‘0–100’.
Elle change le terrain de jeu.
Sa particularité, c’est l’asservissement de couple indépendant sur chaque roue arrière.
Là où une Model 3 Perf ou une i4 M50 utilisent un bi-moteur et, au besoin, un vectoring par freinage, Alpine garde de la motricité en appui sans dissiper d’énergie ni échauffer les freins.
Sur route froide ou mouillée, c’est un avantage d’agrément et de répétabilité.
Face aux Hyundai Ioniq 5 N et 6 N, l’A390 affronte des références d’endurance et de gestion thermique en 800 V.
Elle ne peut pas compter sur une crête de 350 kW, donc elle devra convaincre par une puissance moyenne de charge stable et par sa stabilité des perfs après plusieurs enchaînements.
Contre MG Cyberster, le sujet n’est pas l’usage ni le public, mais l’image: l’Alpine oppose un fastback 5 portes ‘daily + plaisir’ à un roadster spectacle.
Synthèse :
si Alpine tient ses promesses d’ATV, de refroidissement et de charge moyenne, l’A390 deviendra la référence d’agrément dynamique du segment, sans chercher la ‘fiche qui écrase tout’.
Ce qui reste à trancher : et ce qui décidera du verdict
- Courbe de charge réelle (plateau moyen sur 10–70 %).
Sans ça, l’argument ‘grand tourisme’ tombe. - Répétabilité thermique (pack + inverters + freins) en conduite soutenue.
- Prix par marché et mix GT/GTS : à 65–76 k€ annoncés, l’équation marge/volume suppose un lancement plutôt ‘image’, basculant volume si la qualité perçue et l’expérience dynamique confirment.
- Poids vs pneu : l’agilité ATV ne doit pas se payer en usure pneumatiques excessive.
Conclusion
C’est un choix fort : déplacer la bataille du terrain des fiches techniques vers celui du comportement, de la constance et du plaisir de conduite.
On attendait un SUV Alpine.
On a un fastback tri-moteur qui utilise l’électrique pour piloter le châssis, pas pour masquer son poids.
En parallèle, l’A390 est une démonstration Ampere : une plateforme commune, une chaîne de valeur française, et une différenciation Alpine tangible.
Autrement dit, le produit n’est pas isolé : il est la preuve que la stratégie industrielle de Renault peut générer des modèles techniquement pointus et crédibles face aux références internationales.
Chaque article part d’un document officiel (fiche produit, communiqué, rapport) pour en extraire les lignes de force industrielles, symboliques ou politiques. Une lecture rigoureuse, stratégique et sans naïveté.
Ces cinq fils rouges (Sillages) traversent mes publications :
Cartographie des segments, Distribution & Économie, Marketing du VE, Marques & Modèles, Technologies du VE.
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Léon Chelli arpente les mondes de l’automobile et des énergies renouvelables à travers la transition écologique. Il y déchiffre mutations industrielles et stratégies de marché avec la lucidité un peu sauvage d’un promeneur qui choisit ses propres sentiers.
Il explore les transitions avec une vision systémique, entre ironie assumée et clarté analytique.