Pollution plastique : nettoyer les océans ne suffit pas
Pollution plastique : nettoyer les océans, une fausse bonne idée ?
(Un article de sciences et Avenir)

Chaque minute, 15 tonnes de plastique sont rejetées en mer. Alors que la production mondiale de plastique a doublé en 20 ans et pourrait encore doubler dans les 20 prochaines années, chercheurs, ingénieurs et start-ups multiplient les technologies pour tenter de nettoyer les océans et rivières. Ces solutions sont-elles à la hauteur de l’urgence ?
On adore l’idée : un grand bateau, des filets géants, et la mer redevient propre.
Sauf que non. Pas vraiment. Pas du tout, en fait.
La grande illusion du plastique collecté
C’est photogénique, c’est vendeur, et ça donne bonne conscience.
The Ocean Cleanup ou le Manta en sont devenus les emblèmes : des machines flottantes conçues pour avaler les déchets marins comme si on pouvait aspirer le problème.
Mais il y a un léger souci :
90 % du plastique marin n’est pas en surface.
Il est :
- fragmenté (micro, nano, quasi invisibles)
- dispersé dans les colonnes d’eau
- coulé au fond
- ingéré, intégré, diffusé
Et tout ça, aucun filet géant ne pourra l’attraper.
Des projets utiles, mais pas décisifs
Il ne s’agit pas de dénigrer.
Ces initiatives sont localement utiles : elles soulagent, elles sensibilisent, elles prouvent qu’on peut agir.
Mais elles n’attaquent ni la cause, ni le flux.
Chaque année, 8 millions de tonnes de plastique arrivent dans les océans.
Et pendant qu’on ramasse un seau, le robinet reste grand ouvert.
Le vrai poison est invisible
Les microplastiques sont partout : dans l’eau, dans les poissons, dans les sols, dans nos corps.
Et avec eux, tout un cocktail de merveilles : PCB, phtalates, perturbateurs endocriniens, etc.
Le plastique marin, ce n’est pas juste une affaire de sacs et de bouteilles flottantes.
C’est une dissémination toxique, lente, durable, ingérable.
Nettoyer, c’est bien. Réduire, c’est mieux.
On peut saluer la bonne voilure de ces bateaux-usines.
Mais sans réduction à la source, c’est de la cosmétique écologique.
Du greenwashing flottant.
Un peu comme repeindre le Titanic en espérant qu’il ne coule plus.
Les vraies solutions sont connues :
- réduire la production de plastique,
- supprimer les usages jetables,
- renforcer les régulations,
- imposer des filières de responsabilité élargie.
Mais ça, c’est moins sexy qu’un catamaran propre en photos HD.

Léon Chelli arpente les mondes de l’automobile et des énergies renouvelables à travers la transition écologique. Il y déchiffre mutations industrielles et stratégies de marché avec la lucidité un peu sauvage d’un promeneur qui choisit ses propres sentiers.
Il explore les transitions avec une vision systémique, entre ironie assumée et clarté analytique.