LeapMotor en France : l’arme secrète de Stellantis pour l’électrique
LeapMotor, de la startup à l’acteur global
Il y a dix ans, personne ou presque n’aurait parié un centime sur LeapMotor.
Encore une de ces innombrables startups chinoises lancées à l’assaut du véhicule électrique, sans capital, sans réputation et sans expérience industrielle.
Pourtant, en 2025, le paysage a changé : LeapMotor n’est plus une curiosité, mais un acteur à part entière de la recomposition mondiale de l’automobile.
Pourquoi ?
Parce que la marque a évité deux pièges mortels.
D’abord, elle n’a pas joué la carte du simple assembleur : LeapMotor a développé en interne des briques technologiques critiques (moteurs, batteries, électronique de puissance, architectures logicielles).
Ensuite, elle a trouvé un allié industriel de poids : Stellantis, entré à son capital à hauteur de 20 %.
Le résultat est là. Après des années de pertes, LeapMotor a affiché un bénéfice net au premier semestre 2025 (33 millions de yuans).
Surtout, les volumes explosent : 221 000 véhicules livrés sur six mois, +156 % en un an.
L’entreprise se fixe désormais des objectifs d’un demi-million d’unités dès 2025, un million en 2026, et quatre millions d’ici une décennie.
Un projet pharaonique, mais qui commence à sembler crédible au vu de la dynamique enclenchée.
Les leviers d’expansion mondiale
La stratégie de LeapMotor repose sur trois piliers.
Une gamme en expansion rapide.
La série C, inaugurée par le SUV C10, vise le cœur du marché international.
La nouvelle série B s’attaque aux volumes avec la compacte B05 et le SUV B10.
Objectif : couvrir du segment urbain au familial, sans dépendre d’un seul modèle phare.
Une implantation industrielle hors Chine.
Avec Stellantis, LeapMotor a choisi Saragosse, en Espagne, pour produire le B10 européen.
Produire localement, c’est éviter les droits antidumping, rassurer les clients et contourner la méfiance politique.
LeapMotor a déjà testé les eaux européennes avec la T03, une petite citadine électrique vendue dès 2020 en Chine puis exportée en Italie et en Europe de l’Est.
Mais c’est la nouvelle gamme B, plus ambitieuse et produite localement en Espagne, qui marque le vrai tournant stratégique.

Un positionnement clair.
Là où Nio ou Xpeng misent sur l’image premium, LeapMotor assume une approche plus pragmatique : beaucoup de technologie, un design sobre, et des prix compétitifs.
Ce triptyque a déjà séduit le marché chinois, il pourrait fonctionner en Europe si le message est bien porté.
Quelles perspectives pour la France ?
C’est là que les choses deviennent concrètes.
Grâce à Stellantis, LeapMotor n’arrivera pas en France en électron libre.
La marque pourra s’appuyer sur des réseaux déjà en place : concessions Peugeot, Citroën, DS, Opel.
C’est un levier puissant pour gagner en visibilité et offrir un SAV crédible (deux conditions sine qua non pour rassurer les acheteurs).
Quels modèles pour séduire l’Hexagone ?
- La B05, compacte électrique, viserait directement la Renault 5 E-Tech et la Citroën ë-C3.
- La B10, produite en Espagne, viendrait concurrencer le Peugeot e-3008 et le Renault Scénic E-Tech, autrement dit le cœur du marché familial.
- La C10, plus haut de gamme, s’opposerait à des références comme la Tesla Model Y ou la Hyundai Ioniq 5.

L’enjeu central sera le prix.
Si LeapMotor parvient à proposer une compacte électrique sous les 25 000 €, Stellantis aura trouvé l’arme manquante à son arsenal.
Une telle offensive obligerait Renault, Volkswagen et même Tesla à réagir.
Dans un marché français encore frileux, où le coût reste le frein numéro un à l’achat d’un VE, l’équation pourrait être redoutable.
Reste la question de l’image.
LeapMotor devra convaincre que « constructeur chinois » ne rime pas avec qualité approximative ou SAV défaillant.
C’est là que Stellantis joue un rôle crucial : prêter son réseau, sa caution, son sérieux.
Mais cette alliance n’est pas sans ambiguïté : comment Stellantis gérera-t-il la cannibalisation possible entre ses propres modèles électriques et ceux de LeapMotor ? (ë-C3, par exemple).
L’arbitrage stratégique sera subtil.
Un catalyseur à surveiller
LeapMotor n’est pas un épiphénomène. La marque agit déjà comme un révélateur, un accélérateur, un catalyseur.
Trois scénarios s’offrent au marché français :
- Optimiste : LeapMotor casse les prix, réussit son entrée et accélère la démocratisation du VE.
- Prudent : l’image bloque, les ventes restent modestes, mais la pression pousse les constructeurs européens à baisser leurs tarifs.
- Pessimiste : obstacles réglementaires ou scandales qualité étouffent l’expérience avant maturité.
Mais quelle que soit l’issue, le rôle de LeapMotor est clair : obliger les acteurs établis à bouger, réécrire leurs certitudes et admettre qu’un nouvel entrant peut rebattre les cartes.
En France, ce n’est plus une hypothèse.
C’est une perspective tangible.
Et c’est bien pour cela que LeapMotor mérite son surnom : le trouble-fête du marché électrique.
Chaque article part d’un document officiel (fiche produit, communiqué, rapport) pour en extraire les lignes de force industrielles, symboliques ou politiques. Une lecture rigoureuse, stratégique et sans naïveté.
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Léon Chelli arpente les mondes de l’automobile et des énergies renouvelables à travers la transition écologique. Il y déchiffre mutations industrielles et stratégies de marché avec la lucidité un peu sauvage d’un promeneur qui choisit ses propres sentiers.
Il explore les transitions avec une vision systémique, entre ironie assumée et clarté analytique.