Illustration épurée du blason paolien stylisé, encadré par deux génies ailés, avec le titre ‘Festa di a Nazione’ et la date ‘Ottu di dicembre’.

A festa di a Nazione

Une histoire qui hésite entre l’archive et la légende

Il existe en Corse une date qui flotte entre la mémoire et le mythe.
Le 8 décembre, on célèbre A festa di a Nazione, fête nationale d’une nation qui a existé par intermittence, s’est rêvée souvent, et dont certaines pages furent rédigées à la hâte, dans la poudre et la ferveur.
On raconte que tout aurait commencé en 1735.
On le raconte, oui, car les archives demeurent discrètes, les témoins s’effacent, et les historiens avancent à pas prudents.
Mais l’histoire, parfois, prend cette liberté qu’on appelle la tradition.

Au cœur de la Castagniccia, au début de cette année 1735, une consulta se serait réunie.
Des chefs de pièves, des notables, des voix plus ou moins légitimes mais tendues vers un même refus: l’autorité génoise. Ils auraient proclamé que la Corse ne se reconnaissait plus dans la domination étrangère.
Et pour sceller cette affirmation fragile, ils auraient placé l’île sous la protection de l’Immaculée Conception, dont la fête tombait précisément le 8 décembre.

C’est ici que l’histoire vérifiable se trouble légèrement.
On cite un acte, on cite des passages, on affirme que les drapeaux devaient porter l’image de la Vierge. Les sources divergent sur les détails, se recoupent sur l’essentiel : quelque chose s’est joué là, entre fierté politique et dévotion populaire.
Une communauté a cherché son destin, et a trouvé une date pour l’incarner.

Vingt ans plus tard, en 1755, Pasquale Paoli donnera à la Corse une véritable constitution écrite, la première du monde moderne.
La Vierge demeurera patronne de la Nation corse, héritage probable de ce moment inaugural de 1735. Le rêve de l’État paoliste ne durera que jusqu’en 1769, mais il laissera une empreinte si tenace qu’aucune domination ne parviendra à l’effacer totalement.

Le 8 décembre, pourtant, ne sera jamais célébré de façon continue au fil des siècles.
La fête s’assoupira, se réveillera parfois, disparaîtra, puis renaîtra dans les années 1970, lorsque resurgit une conscience nationale plus revendicatrice.
Peu à peu, la date retrouve sa force symbolique.
Aujourd’hui, l’Assemblée de Corse l’a reconnue comme une journée de mémoire, d’identité, de transmission.

Ce qui fait la beauté de cette histoire n’est pas sa précision chronologique. C’est cette alliance étrange entre une décision politique difficile à documenter et un imaginaire religieux profondément ancré.
La Corse s’est souvent tenue sur cette ligne : entre l’espoir et la réalité, entre les actes et la parole, entre ce que l’on peut prouver et ce que l’on choisit de porter.

Et pour accompagner le texte, l’hymne qui a accompagné tant de réveils et tant de deuils, ‘Dio vi salvi Regina’, chanté ici par un chœur sans la moindre prétention commerciale:

Une fête nationale dont une partie repose sur des archives incertaines : il fallait être Corse pour en faire une force plutôt qu’un défaut.

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